Plusieurs étudiants dans la faculté Paris Dauphine-PSL

13/02/2022 Par Mohamed Louadi, PhD

L’ISG-Tunis et les priorités économiques, managériales et informatiques du pays

Imaginez un agriculteur dans le sud lointain du pays où les températures en été avoisinent 50 degrés et où l’arrosage quotidien est une nécessité absolue. Imaginez qu’une vanne d’eau se bloque ou qu’un tuyau d’arrosage éclate. D’urgence, une personne devra parcourir des kilomètres en mobylette pour remédier au mal. Les technologies de l’loT, des digital twins ou, pourquoi pas, l’implémentation d’un réseau antagoniste génératif grâce auxquelles la réparation se fera à distance seraient la solution idoine à de tels problèmes d’un autre âge. Un zoom en arrière révèle plusieurs problèmes économiques d’une autre envergure dont deux des plus importants sont l’équilibre de la balance commerciale et le chômage. Au mois d’octobre 2021 le déficit commercial de la Tunisie dépassait 16.000 MDT, soit près de 13% du PIB. La chute du dinar par rapport aux principales monnaies étrangères a atteint des niveaux plus qu’alarmants, et pour couronner le tout, le chômage au troisième trimestre de 2021 s’était situé à 18,4%. C’est dans ce contexte que le souci de résoudre les problèmes de la Tunisie incite à une réflexion autour de l’apport que pourraient avoir les technologies de l’information et de la communication (TIC), car les TIC sont traditionnellement considérées salutaires tant au niveau micro que macro de l’économie. En Tunisie, comme dans d’autres pays, l’informatique de gestion est de plus en plus indispensable et n’est plus seulement considérée stratégique mais carrément incontournable car sur bien des plans, elle n’est plus seulement un outil de modernisation mais une nécessité économique et managériale vitale. Si traditionnellement la technologie a contribué à l’automatisation et à la transformation des entreprises, à l’ISG-Tunis la réflexion pousse ces outils à des confins stratégiques et de développement économique permettant aux entreprises non plus d’améliorer leur gestion interne mais également d’adopter une gestion innovante contribuant au développement économique du pays et affectant indirectement le PIB. C’est la raison pour laquelle les diplômés de l’ISG-Tunis gagnent à s’acquérir, outre des compétences purement informatiques, des compétences métier et de soft skills répondant plus ponctuellement aux besoins des entreprises tunisiennes en leur permettant de considérer l’informatique comme un levier aux incidences économiques. Les TIC promettent aux entreprises exportatrices d’être au même niveau que leurs partenaires commerciaux ; c’est grâce à des systèmes inter-organisationnels que l’économie tunisienne pourra s’intégrer davantage dans l’économie mondiale et faire face à ses concurrents régionaux. De quelles entreprises parlons-nous ? Selon l’Agence de Promotion de l'Industrie et de l'Innovation (APII) il existe 3 504 entreprises industrielles tunisiennes ayant 10 employés ou plus dont 974 sont totalement exportatrices :

Secteurs TE* ATE* Total %
Industries agro-alimentaires 152 772 924 26,4%
Industries des matériaux de construction céramique et verre 7 312 319 9,1%
Industries mécaniques et métallurgiques 39 379 418 11,9%
Industries électriques, électroniques et de l'électroménager 32 84 116 3,3%
Industries chimiques 34 336 370 10,6%
Industries textiles et habillement 620 266 886 25,3%
Industries du bois, du liège et de l'ameublement 9 142 151 4,3%
Industries du cuir et de la chaussure 59 53 112 3,2%
Industries diverses 22 186 208 5,9%
Total 974 2 530 3 504 100%
*TE : Totalement Exportatrices. *ATE : Autres que Totalement Exportatrices.

En termes d’informatisation, ce sont là un peu moins d’un millier d’entreprises que nous considérons prioritaires parce qu’elles contribuent à combler le déficit commercial de la Tunisie. Cela ne veut bien évidemment pas dire que nous devions exclure les autres acteurs économiques comme les entreprises partiellement exportatrices. Toujours selon l’APII, parmi ces entreprises, 551 sont dédiées aux services informatiques, plus de la moitié étant exportatrices et contribuent à l’emploi à hauteur de 13%. Où en sont nos entreprises en termes d’informatisation ? La dernière à avoir fourni des réponses à cette question est une enquête sur Les indicateurs fondamentaux sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication par les entreprises en 2017, menée par l’Institut National de la Statistique (INS). D’après cette enquête, les proportions des entreprises privées utilisant des ordinateurs, l’Internet, le Web et les intranets en 2017 sont telles reproduites ci-après :

  Utilisation des Présence
Ordinateurs Internet Web Intranet
Industries extractives 90,8% 90,8% 69,5% 56,2%
Industries manufacturières 85,0% 83,1% 61,7% 43,5%
Production et distribution d’électricité, de gaz, etc. 67,3% 66,7% 39,0% 27,2%
Construction 89,5% 8,1% 57,1% 37,1%
Commerce, réparations automobile et de motocycle 91,0% 88,0% 64,9% 47,3%
Transports et entreposage 90,5% 87,9% 56,3% 46,5%
Hébergement et restauration 60,3% 57,2% 42,6% 30,5%
Information et communication 99,3% 99,3% 94,5% 80,1%
Activités immobilières 92,0% 89,4% 78,2% 64,5%
Activités spécialisées, scientifiques et techniques 98,3% 97,7% 78,8% 69,3%
Activités de services administratifs et de soutien 96,4% 94,1% 72,0% 56,9%
Enseignement 100,0% 98,0% 63,7% 57,0%
Santé humaine et action sociale 96,8% 95,3% 53,8% 35,4%
Arts, spectacles et activités récréatives 93,9% 93,9% 66,7% 43,3%
Autres activités et services 91,1% 87,3% 68,2% 47,3%
Total 87,5% 85,5% 62,8% 46,2%

Les chiffres montrent que les entreprises publiques sont généralement mieux dotées informatiquement (100%) que les entreprises privées (87,5%). Dans le secteur public, la proportion des employés utilisant régulièrement des ordinateurs était de 82,1% alors qu’il était de 38,8% dans les entreprises privées. Or ce sont les entreprises privées qui nous intéressent, et c’est là que le bât blesse même si parmi les trois plus grands exportateurs tunisiens, la STIR, la CHO Group et l’ETAP, deux sont des organismes publics. Conclusion Depuis sa création en 1969, l’ISG-Tunis a toujours marié économie, gestion et informatique afin de résoudre les problèmes du pays. L’institut continue à se vouloir une institution de formation de jeunes décideurs intervenant justement aux plans économique, managérial et technologique. Historiquement, les sciences comptables ont été la première branche de gestion à se positionner au croisement de la gestion et de l’informatique, ses étudiants ayant été les premiers à suivre des cours de systèmes d’information de gestion. Aujourd’hui, le marketing rejoint la comptabilité avec ses applications de CRM, d’agents conversationnels (chatbots), de commerce électronique et de marketing digital. L’ISG-Tunis continue également à intégrer dans ses enseignements des applications et des technologies de plus en plus futuristes et à être au diapason de l’IoT, des digital twins, des réseaux antagonistes génératifs (GAN, ou Generative Adversarial Networks) des applications de l’intelligence artificielle et autres métavers.

Mohamed Louadi
University Professor chez Higher Institute of Management of Tunis.